Nous sommes 6 amis à quitter Gatineau, un samedi matin de juillet, à 7h. C’est le début des vacances et nous sommes fébriles. Nous covoiturons le plus possible, nous sommes deux VUS, trois personnes dans chaque avec les bagages respectifs. Un camion accueille deux canot sur son toit. Nous nous dirigeons à notre point de sortie de la rivière où le navetteur doit nous rencontrer, après un peu plus de 2h30 de route. L’inquiétude se pointe quand 10h passent, mais la remorque et son conducteur arrivent peu après. Nous nous installons confortablement pour quelques heures de route vers le Parc de la Vérendrye, plus exactement, vers le lac de tête de la rivière Coulonge, le lac Pomponne.
La route fait aussi partie des voyages en canot. Pour moi, c’est le temps de passer en mode vacances. Lentement, mais sûrement, nous perdons le réseau cellulaire et nous rangeons nos téléphones. C’est aussi l’occasion de découvrir de nouvelles régions et de constater que nous profitons bien de notre belle nature. Nous croisons effectivement plusieurs VR et des campeurs sur les berges des lacs.
Nous nous mettons finalement à l’eau vers 16h. Ça commençait à être long ! Il y a toujours un petit rush quand tout le monde se presse pour descendre les canots de la remorque, sortir tous les bagages et charger les canots pour le départ. C’est comme s’il fallait être sur l’eau le plus vite possible. Il faut dire que les moustiques qui nous assaillent sont une bonne motivation. Nous sommes bien une fois sur l’eau.
Comme la journée est bien entamée, c’est déjà le temps de choisir notre premier site de camping. Nous avons évidemment regardé la carte avant de partir, mais les scénarios changent toujours en cours de route. Nous croisons un chalet de location avec un terrain dégagé et une bonne exposition au vent. Le vent nous sauve toujours des moustiques ! Comme le prochain camping officiel est un peu loin et que nous ne savons pas s’il sera occupé, nous décidons de ne pas prendre de chance et de nous arrêter aussitôt.
Nous mangeons toujours bien dans nos expéditions de canot-camping. Nous préparons tous des repas en alternance, pour tout le groupe. Nous misons sur des mets congelés et des légumes frais le 3-4 premiers jours, surtout pour un petit groupe de 6 personnes. Pour ce premier souper, les cuisiniers préparent de la truite en papillote sur les braises du feu pour certains et du steak pour les autres, avec une belle salade en accompagnement. C’est délicieux ! Nous planifions nos expéditions en prévoyant cuisiner sur le feu tous les jours. Nous avons un réchaud et 1 litre de carburant en cas de nécessité.
Que ce soit les heures de route ou l’effet d’être soudainement en vacances, tout le monde se couche très tôt le premier soir. Et je me sens complètement en vacances en me levant le premier matin. C’est toujours comme ça quand je suis en pleine nature. Il n’y a que les bruits de la nature qui sont perceptibles, ceux que je préfère : les oiseaux, le vent, l’eau. Mes yeux veulent tout voir, je scrute l’eau, les berges et la forêt. L’odeur au bord de l’eau est aussi très particulière. Sur une rivière, je dirais que ça sent la roche mouillée, une odeur minéral, différente de l’odeur salée de la mer. Mes sens sont en éveil et en même temps, mon corps et mon esprit sont calmes.
Dormir tôt signifie souvent se lever tôt. Sans se presser, nous sommes tout de même sur la rivière vers 8h30. J’adore les départs ! Et je suis choyée en expédition de canot-camping. Nous partons pratiquement tous les matins à la découverte de nouveaux horizons. Nous constatons que le niveau d’eau est haut malgré les chaleurs des dernières semaines. Les tronçons d’eau vive ne sont finalement que de l’eau avec un peu de courant. Notre premier obstacles est un seuil 4, ce qui veut dire une cassure dans la rivière, une bonne drop avec de la roche et de grosses vagues. Nous laissons les bagages dans les canots que nous faisons glisser sur l’eau et sur les roches.
Nous terminons la journée avec notre premier portage. La récompense est un de nos plus beaux sites de camping. Les tentes sont en forêt, sur un tapis d’aiguilles et de mousses. L’espace commun est sur un escarpement de roche, avec le bruit de la chute en fond sonore. La météo ne nous gâte pas particulièrement, mais comme il fait chaud, nous sommes très bien. C’est rare que je laisse mon chandail se faire mouiller sous la pluie, je suis bien trop frileuse. Un excellent et magnifique repas, une belle soirée et une nuit réparatrice, c’est le paradis !
Le troisième jour se montre tout aussi humide que le deuxième. Il ne pleut pas mais les nuages sont encore bien présents et nous rangeons une tente trempée. Tout l’équipement est réparti dans des barils étanches en fonction de ce qui est encore mouillé ou ce qui est au sec. La tente, par exemple, est rangée avec les outils, le réchaud et les articles de cuisine, de l’équipement qui peut être humide. Alors que les vêtements sont rangés avec les matelas de sol et les sacs de couchage. Nous voulons garder tout cela au sec !
Nous embarquons sur l’eau et arrivons rapidement à un rapide de niveau 3-4 (RIII – RIV) et c’est peut-être notre seul challenge de la journée. À ce niveau, cela veut probablement dire quelques bonnes vagues, des roches à contourner et des manoeuvres techniques intéressantes. Nous nous approchons le plus possible afin de l’observer de près. Notre groupe est composé d’un excellent canoteur avec sa conjointe peu expérimentée, de deux pagayeurs d’expérience qui naviguent parfois ensemble et de mon conjoint et moi tous deux expérimentés. Pour ce premier rapide de la journée, je me retrouve comme pagayeuse avant dans chacun des canots. C’est la formule la plus pratique.
Peu de temps après, nous arrivons au seuil 4 que nous pensions portager. Le premier canot décide finalement de descendre en solo. Mon conjoint et moi naviguons d’une rive à l’autre pour trouver un passage. Nous sommes chargés et nous avons le chien avec nous. Finalement, je sors du canot avec le chien et Stéphane suit la même ligne que les deux premiers canots. C’est quand même plus agréable qu’un portage !
Nous poursuivons notre route dans les nombreux méandres de la rivière. La majorité des tronçons d’eau vive ou des petits rapides (RI) sont plutôt un simple courant qui nous aide tout de même à progresser rapidement. La paysage est magnifique et j’ai tout le temps de l’admirer. J’aurais même apprécié un peu plus de mouvements d’eau, je me dis que la rivière Coulonge est finalement fidèle à elle-même. Ce tronçon a une forte similitude avec celui du bas que nous faisons régulièrement sur trois jours.
Dans la routine des canoteurs, vient le choix du camping en fin de journée. Nous avions identifié un site sur la carte mais il est passable avec le niveau d’eau élevé et nous décidons de poursuivre pour un autre 4 km (environ 30 minutes) vers ce qui semble être une plage. Difficile de se repérer dans les méandres : dès qu’on lève les yeux de la carte, les campings se ressemblent tous ! Naviguant d’une plage à l’autre, nous en ciblons finalement une qui semble bien au sec et suffisamment grande. La chasse à la plus belle plage peut devenir un piège et nous décidons d’arrêter pour la nuit. Il est tout de même pas loin de 17h et nous sommes sur l’eau depuis plus de 8 heures.
Les plages ont leur charme. Je les associe encore plus au sentiment de vacances. C’est à notre tour de préparer le souper et je cuisine sur un feu dans un trou de sable. Nous nous couchons sous un ciel sombre. La nuit nous amènera des orages et beaucoup de pluie. Nous nous trouvons chanceux d’être sur le sable qui absorbe l’eau instantanément. Quand on part en expédition en rivière, il y a une routine qui s’installe. La routine de groupe pour monter le site commun : la toile abris, un canot renversé en guise de table et un rond de feu, qui est habituellement déjà sur place. Nous faisons également une corvée de bois. La routine en couple pour monter la tente, la petite toile abris pour notre confort personnel et gonfler les matelas. Les cuistots du jour dirigent la préparation du repas avec l’aide des autres membres du groupe pour alimenter le feu, faire les corvées d’eau ou brasser ce qui sent bon. Cette série de tâches se fait en bavardant à propos de la journée qui se termine et de celle qui s’en vient. Mon cerveau est absorbé par cette routine tranquille. Avec l’effort physique de la journée, c’est une combinaison parfaite pour décrocher de tout.
Le niveau de l’eau a monté au petit matin. Le sable mouillé colle à tout et se retrouve partout tandis que nous plions bagage vers notre prochain site. Cette journée s’annonce tranquille et courte. Nous avons pris de l’avance les deux derniers jours et nous terminons à midi sous un beau soleil. De plus, nous nous installons pour deux nuits à cet endroit. Nous aurons donc cette demi-journée et une journée entière pour reposer nos corps et s’adonner à nos activités favorites.
Oups ! Le soleil fait rapidement place à de la pluie torrentielle. Très semblable à un orage, nous pensons que le tout passera rapidement. Nous blaguons dans l’attente. Le temps passe, nous sortons le réchaud pour préparer le repas du soir sous la toile abris et devons déplacer une tente qui se retrouve dans un trou d’eau. Nous faisons un énorme feu pour réussir à brûler quelques branches. C’est le grand plaisir des gars et ça met de l’ambiance ! Nous allons dormir tôt ce soir.
C’est journée de congé aujourd’hui. En expédition de canot-camping, ça veut dire que l’on reste au même endroit. C’est le temps de s’adonner à nos activités favorites comme lire, jaser, faire de la photo ou se faire dorer sous les quelques rayons de soleil qui oseront se pointer. De plus, la nuit a été bonne. Il a plu légèrement et le bruit des gouttes sur la toile au-dessus de la tente était si relaxant.
Les expéditions sont ponctuées de plusieurs petits plaisirs. J’admire des paysages qui sont inaccessibles à la majorité : de grands pins blancs, de petits affluents qui dégringolent en cascade dans la rivière, plusieurs oiseaux de couleurs et grandeurs différentes et, cette année, des dizaines de nymphéas blanches. Je vis des moments d’excitation et d’adrénaline à la descente des quelques rapides et seuils que nous faisons. J’ai l’occasion de retrouver un objet familier, mon appareil photo, et de jeter un regard attentif à la nature pour la capter sous son plus beau jour. Ça sent bon. C’est beau.
Ce matin, mon premier plaisir est de savourer un bon thé devant le feu, de me réveiller doucement et de profiter du moment présent. Comme nous avons le temps, je prépare du pain banique, (la recette de Ricardo). Un petit plaisir savoureux, en plein milieu de nulle part, et qui sent bon le pain frais ! En après-midi, nous nous transformons tous en zombies avec une application d’argile verte qui adoucit notre peau. Et nous terminons la journée avec des chants autour du feu. Qu’y a-t-il de plus plaisant ?
La routine reprend sa place et nous sommes repartis sous un soleil radieux. Le niveau d’eau est haut et nous avançons très rapidement bien que les rapides soient plutôt rares. Nous arrivons à la Chute-à-Gauthier et il fait un temps magnifique. C’est la première fois de l’expé que nous pouvons dire cela. Encore une fois, nous pensions portager * mais les gars trouvent un moyen pour passer les canots sur les roches, sans même retirer les bagages. Comme nous sommes toujours en avance, nous discutons du camping de la soirée. Je ne m’en mêle pas trop puisque je suis sur la rivière et c’est ce qui m’importe. La décision est de passer quelques heures ici pour profiter du site et du soleil avant de poursuivre jusqu’à la prochaine chute pour le dodo. Nous y resterons aussi pour une autre journée de congé imprévue.
Les expéditions ressemblent à cela : plusieurs surprises en cours de route !
La première chose à faire après le portage qui nous mène au site de camping est de tout sortir des barils. Des trucs humides au gros soleil fermés dans un contenant étanche… ça sent mauvais ! Même la tente a besoin d’aération. Une chance, nous avons droit à encore quelques heures de soleil. Notre tente est montée en bordure de la forêt avec une vue sur d’immenses rochers qui descendent en marches inégales vers la chute et la rivière. C’est gigantesque et magnifique ! Un site plus que parfait pour faire de la photo et du yoga en compagnie de ma chienne qui me suit partout.
C’est ma fidèle amie depuis plus de 13 ans maintenant. Les nuages et la pluie nous reviennent en fin de journée, pour une courte période, mais nous avons du popcorn et de la téquila : la vie est belle ! Nous sommes rarement en avance sur notre horaire, mais cette fois, nous terminerons une journée plus tôt que prévu. Pour moi, ce n’est pas un bonus. Je pagaie en silence et je respecte ce moment d’introspection pour mon conjoint et moi. Nous devons pagayer lentement pour respecter la vitesse du groupe. Je savoure ces dernières heures de tranquillité.
Le rituel du retour inclut un arrêt pour manger et se raconter nos points forts de la semaine. Ce fut une descente tranquille cette année, sans grands rapides et avec beaucoup de temps pour relaxer. C’est aussi un moment pour boucler le parcours, reconnecter avec la vie citadine et… dire à nos gars que nous serons au bercail dans quelques heures. C’est le temps de ramasser la maison !
Nous parcourons ainsi les rivières durant à l’été depuis 2009. Neuf ans à partager une semaine avec d’autres canoteurs, à découvrir de nouveaux paysages, à descendre des rapides et des rivières. Autant d’années et je ne suis pas tannée parce que, chaque fois, c’est une nouvelle expérience. et que Et chaque expédition a ses surprises et ses aventures.
À l’année prochaine sur une autre rivière !
Stéphanie Beauregard
* Portager : action de marcher tout en portant l’embarcation. Le canot est l’embarcation la plus adaptée pour cette activité pas toujours agréable mais qui offre l’occasion de se dégourdir les jambes. On le retourne et on dépose le joug sur le cou et les épaules. On fait des portages pour éviter un obstacles infranchissable ou jugé dangereux ou bien pour changer de bassin versant.